Quand la toilette devint… sèche !
Les épidémies de peste et la rigueur religieuse (catholique et protestante) ont contribué à fermer les étuves, dont certaines s’étaient ouvertes à la prostitution, et à rendre l’eau suspecte. Les ablutions se font rares, et l’hygiène se déplace de la peau vers le vêtement : la propreté, c’est d’en changer souvent dans le cours de la journée, ce qui a pour conséquence de la rendre plus coûteuse et d’avoir recours aux parfums pour couvrir les émanations corporelles.

De la fontaine à la… baignoire !
Paris disposait, en 1751, d’une cinquantaine de fontaines – ce qui est peu en regard des jardins de Versailles –, avec les spectaculaires réalisations de Le Nôtre, secondé par une célèbre famille de fontainiers : les Francine. Ce sont eux qui réalisèrent les bassins, cascades, jets d’eau et fontaines du parc. Il leur appartenait, sur le passage de Louis XIV, de manœuvrer la fameuse « clé lyre » qui faisait jaillir les eaux, puis en fermait l’arrivée après le passage du roi. Si d’Argenville parle de cannelle en cuivre, à Versailles, le plomb dominait dans les installations.
Cependant, vers la fin du XVIIIe siècle, nous voyons réapparaître l’usage des bains. Cela ne concerne qu’un nombre très limité d’adeptes, mais permet à la baignoire d’apparaître dans le « mobilier » domestique. Rappelons que les bains n’avaient jamais disparu, mais que leur usage demeurait cantonné à quelques stations thermales réputées, comme Bourbon l’Archambault, dans l’Allier.
Influences britanniques et expérimentations royales
En France, les idées évoluent enfin sur le rôle de l’eau vis-à-vis du corps. Ce n’est pas encore la fin de la toilette sèche, mais l’Angleterre exerce sur le sujet une influence réelle, tant sur les principes que sur les installations. A Versailles, Louis XV donne l’exemple en faisant installer des « cabinets de bains », exemple qui sera suivi par son successeur. Louis XVI, très ouvert à la modernité, fera réaliser des « lieux à l’anglaise » [sic] qui comportaient une cuvette, un siège avec abattant, une soupape et deux arrivées d’eau libérant un jet nettoyant puis un second, dit « de propreté ».

Plus élaborées, les installations de Versailles présentaient une vraie baignoire, accolée à une paroi, dotée d’un ou deux robinets alimentés séparément par un double réservoir situé à l’étage supérieur, de l’autre côté du mur.
Ces robinets de « cabinets de bain », souvent en bronze et destinés à quelques privilégiés, présentaient des orifices ornés de motifs zoomorphes : têtes de lion, de cygne, de dragon, de mouton ou de bélier. Motifs que l’on retrouvait pour décorer la sortie d’eau des fontaines, et qui ne sont pas sans lien avec le mot « robin ».
Les débuts de la distribution d’eau

Première du genre, leur Cie des Eaux de Paris se proposait de fournir à ses abonnés près de 270 litres d’eau par jour, acheminés par des conduites en fonte, pour la somme annuelle de 50 livres. L’entreprise s’avéra difficile. Elle se heurta à l’opposition frontale des porteurs d’eau, puis à la concurrence des frères Vachette qui exploitaient déjà deux machines hydrauliques, situées au pont Notre-Dame et au Pont-Neuf, et qui affirmaient puiser une eau de meilleure de qualité, car plus en amont. Or, les frères Perier puisaient à hauteur de Chaillot et du Gros-Caillou, beaucoup plus en aval.
Bref, cette Cie des Eaux, créée en 1777, active en 1781, disparaissait en juin 1788, au profit de la Ville et du pouvoir royal. Néanmoins, leurs deux pompes à feu fonctionnèrent jusqu’au milieu du XIXe siècle.
Photos : ©Wikimedia Commons.
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SOMMAIRE DE L'ARTICLE
Histoire de la robinetterie sanitaire, des origines à nos jours
Histoire de la robinetterie, épisode 1 : des origines à l’Antiquité
Histoire de la robinetterie, épisode 2 : le Moyen Âge et la Renaissance
Histoire de la robinetterie, épisode 3 : les XVIIe et XVIIIe siècles
Histoire de la robinetterie, épisode 4 : le XIXe siècle, de la Révolution au préfet Rambuteau
Histoire de la robinetterie, épisode 5 : avec Belgrand, les robinets sont enfin alimentés
Histoire de la robinetterie, épisode 6 : l’entre-deux-guerres et l’arrivée du robinet temporisé
Histoire de la robinetterie, épisode 7 : l’après-guerre et les Trente Glorieuses
Histoire de la robinetterie sanitaire, épisode 8 : la monocommande et les années 1970-80
Histoire de la robinetterie, épisode 9 : les années 1990, sous le signe du design
Histoire de la robinetterie sanitaire en France, épisode 10 : les années 2000-2010







