DossierHistoire de la robinetterie sanitaire, des origines à nos jours

Histoire de la robinetterie, épisode 7 : l’après-guerre et les Trente Glorieuses

La Deuxième Guerre mondiale mettait un terme à l’évolution des appareils, jusqu’en 1945. Les années qui suivirent, consacrées à la reconstruction des zones dévastées, furent marquées par l’urgence plus que par l’innovation. Commençait alors cette période nommée les Trente Glorieuses, symbole d’une croissance jamais retrouvée.

C’est le boom de la construction, durant lequel la demande excède largement l’offre. Il s’agit d’abord de fournir le plus courant : le mélangeur 3 trous pour les lavabos et les baignoires, à manettes croisillons. Débuts prometteurs du mélangeur monotrou pour les éviers, quand la production d’ECS (eau chaude sanitaire, assurée soit par un chauffe-eau, soit par un ballon-réservoir) existe, mais le plus souvent subsiste le classique robinet à vis, mural, prolongé d’un long bride-jet en caoutchouc.

Un désir de confort moderne incite les ménages à consommer, les fabricants à innover, des entreprises à se créer…

Les années 50 : confort, innovations et essor des entreprises

Page robinetterie d'un catalogue Jacob Delafon des années 1950En 1950, la petite usine de Paris de Jacob Delafon emploie 250 personnes. Elle est dédiée aux robinets de la marque, assure toutes les opérations, sauf la fonderie qui reste dans la Sarthe. La production sera automatisée en 1959. Ci-contre, extrait d’un catalogue Jacob Delafon des années 1950.

Publicité allemande des années 1950 pour la barre de douche Unica de HansgroheEn 1953, Hansgrohe lance Unica [1], première barre murale de douche (ci-contre à gauche) ; la douchette à main va pouvoir s’y fixer, à hauteur désirée et réglable, pour une douche mains libres ou non. Le succès d’Unica sera immédiat et considérable.

En 1954, la firme italienne Stella présente Isomix, un mélangeur disposant d’une cartouche interchangeable qui permet de stabiliser la température de l’eau mitigée. C’est le début de la robinetterie « thermostatique » en Europe, laquelle va devenir rapidement indispensable pour la douche. Stella apparaît comme le précurseur du thermostatique, car le boîtier Isomix, relié à la robinetterie, en présente tous les avantages.

En 1956, Grohe lance à son tour son premier thermostatique pour le bain. Outre le mélange d’eau chaude et froide stable, l’appareil dispose d’une « bague de réglage » de la température avec un maximum qui évite les brûlures. Un accident domestique hélas très fréquent, surtout chez les enfants.

L'usine de robinets THG dans les anénes 1950Cette décennie voit aussi naître de nouvelles entreprises, qui visent le marché naissant du luxe (dit haut de gamme). En RFA, la société Dornbracht s’implante en 1950, près de Dortmund. En France, c’est la société THG (Tétard-Haudiquet-Grisoni) qui, fondée en 1956, pour fabriquer des robinets standards va très vite s’orienter vers des modèles de luxe et de grand luxe. THG sera le fournisseur d’élection de JCD.

Jean-Claude Delépine, défricheur du marché du luxe

Propriétaire d’un négoce sanitaire crée par son père, Jean-Claude Delépine note que le caractère quantitatif de la production néglige autant le qualitatif ambitieux que l’esthétique. Combler ce manque et ouvrir un segment « luxe » est son ambition. Dynamique, inventif et curieux, JCD (ces initiales deviendront une marque) se lance dans la création de robinetteries qui associent aux métaux de qualité des matériaux précieux, comme le cristal, les pierres dures, des éléments de joaillerie, et l’or, bien sûr… C’est un créatif, la vision de choses banales lui inspire des idées originales : il voit dans les quartiers écorcés d’une mandarine la forme inédite d’une manette en cristal… Une coquille Saint-Jacques qui lui sert de cendrier lui suggère celle d’une baignoire d’angle… Autant de créations au succès durable. Plus tard, il sera critiqué pour certains modèles trop « voyants », mais il aura ouvert une voie, alors que commençait à poindre, en Europe (mais particulièrement en Italie), une recherche de formes nouvelles qui sera bientôt qualifiée de « design ».

Les années 1960 :  la salle de bains moderne

salle de bains des années 1960Dans les logements récents, les points d’eau principaux sont l’évier de la cuisine et, dans la salle de bains, le lavabo, le bidet, la baignoire et, si l’espace ou le standing l’autorisent, une douche, ainsi qu’une salle d’eau (lavabo + douche) pour une chambre d’amis, et un petit robinet sur vasque dans les toilettes. Le plus souvent, le choix des produits dépend de l’installateur, c’est-à-dire du plombier.

Ci-contre, salle de bains d’un logement typique des années 1950.

L’important est de répondre aux besoins avec des produits durables, dont l’esthétique (qui sera bientôt le domaine du design) n’est encore pas une préoccupation majeure ; nous sommes dans une conception purement utilitaire de l’équipement sanitaire. C’est bien compréhensible. Au cours des années 1950, un sondage qui fit scandale révéla que les Français étaient « sales » : dans toute l’Europe c’étaient eux qui se lavaient le moins. Révélation qui devait, en principe, mettre en valeur la salle de bains. Mais ce ne fut pas tout à fait le cas. La cuisine fut prioritaire.

Publicité Zucchetti de 1969, présentant ses robinets mélangeurs En 1958, paraissait chez Hachette, « L’Art de s’installer » ; un gros volume, très illustré, écrit par Gisèle Boulanger. Ce livre obtint un certain succès en librairie. Il abordait avec compétence et précision tous les détails d’aménagement et de décoration d’un intérieur, aussi bien les cheminées que le bar ou les placards. Or, dans cet ouvrage de six-cent-vingt-cinq pages, douze étaient consacrées à la cuisine (iconographie comprise) et sans aucune mention de l’évier et de son robinet. Quant à la salle de bains, elle n’occupait que six pages, très illustrées, sans aucune allusion à sa robinetterie !

Autre exemple : selon les plans des modèles standard de pavillons construits dans la banlieue est de Paris, dans les années 1950, on observe, par rapport à la surface totale habitable, que 18 à 19 % sont dévolus à la cuisine, et 6 à 7 % à la salle d’eau/salle de bains.

Cela montre l’intérêt tout relatif porté aux appareils sanitaires. Néanmoins le terrain était préparé.

[1] Avant la guerre, il n’était pas d’usage de donner un nom aux nouveaux robinets, du moins pour le public. C’est à partir des années 1950 que les nouvelles collections sont « baptisées » et que la notion de « marque » tend à s’imposer.

« Précédent Suivant »

Infos compémentaires sur cet article

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.