DossierHistoire de la robinetterie sanitaire, des origines à nos jours

Histoire de la robinetterie, épisode 5 : avec Belgrand, les robinets sont enfin alimentés

Napoléon III, dès son arrivée au pouvoir, manifesta de grandes ambitions pour Paris. Il voulait faire « respirer » la capitale avec de grands parcs boisés, de vastes artères, et lui attribuer le supplément d’eau et de salubrité dont elle avait besoin. Deux hommes furent chargés de cette mission : le préfet Haussmann et l’ingénieur Eugène Belgrand.

Portrait de Belgrand, histoire de la robinetterieNommé directeur du Service des Eaux et des Egouts, Belgrand (portrait ci-contre) considérait l’Ourq comme insalubre. Avec des arguments forts, il démontra au préfet, d’abord réticent, qu’il fallait concevoir un nouveau réseau alimenté en eaux de sources. Choix remarquable à l’époque, il préconisa deux circuits : l’un affecté au service public (nettoyages des rues, pompiers…), l’autre pour le service privé des habitations. Un choix d’autant plus justifié que Paris venait d’annexer les communes de sa banlieue, englobant Montmartre et Belleville, ce qui doublait sa surface et portait sa population à un million d’habitants.

Une compagnie, de l’eau, des égouts…

En juillet 1860, un traité fut signé entre le préfet Haussmann et la Cie Générale des Eaux. La Ville détenait la maîtrise absolue des eaux, assurant l’exploitation technique (aqueducs, canaux, conduites, réservoirs…) et le service public. La Cie se chargeait des branchement particuliers et de la gestion des abonnements. Cela était propice aux fabricants et une nouvelle fonderie était créée en 1857 : Herbeau, dans le Nord du pays.

Gravure représentant l'égout collecteur, extrait de Paris à travers les âges, de Gourdon de GenouillacBelgrand commença par engager l’adduction des eaux de la Dhuis, distante de 131 kilomètres, à une altitude de 108 mètres, les conduisant au réservoir de Ménilmontant. Cinq ans après, il captait les eaux de la Vanne, sur 173 kilomètres et une pente modérée de 31 mètres, afin d’alimenter le grand réservoir de Montsouris. Illustration : l’égout collecteur, base de l’assainissement de Paris (in Paris à travers les âges, de Gourdon de Genouillac).

L’œuvre de Belgrand s’accompagnait de la création du plus grand réseau mondial d’égouts pour l’époque, soit 620 kilomètres de canalisations souterraines (chaque rue aura son égout), afin de mettre en œuvre l’évacuation des eaux sales par le « tout à l’égout » [1]. A la mort de l’ingénieur, en 1878, chaque Parisien disposait, enfin, du même volume d’eau que son ancêtre citoyen de la Lutèce gallo-romaine.

Un nouveau robinet sur fond de progrès technique : le robinet à clapet

Interrompus par la guerre de 1870 et la chute du Second Empire, les travaux initiés par Belgrand furent activement repris sous la Troisième République. Rappelons que les trois dernières décennies du XIXe siècle furent fertiles en découvertes et avancées scientifiques et techniques. La fabrication de la robinetterie allait en bénéficier.

En 1869, Z.G. Gramme invente la dynamo et, peu après, son collaborateur H. Fontaine, en démontrait la réversibilité, donnant ainsi naissance au moteur électrique. Une invention déterminante pour les outils à mouvement rotatif, en particulier pour les opérations de décolletage et d’alésage, omniprésentes en robinetterie.

schémas de fonctionnement d'un robinet à clapet, ouvert et ferméOr, justement, un français, Achille Cadet, mettait au point un robinet à « vis de pression », communément appelé robinet « à clapet ». Le principe ? Un clapet en caoutchouc, en s’abaissant, vient s’appuyer sur une partie plane dite « siège », bloquant l’arrivée de l’eau. Ce mécanisme, en élevant ou en abaissant plus ou moins le clapet, autorisait la modulation du débit (illustration ci-contre). Il concurrençait efficacement l’antique boisseau, et allait s’y substituer pour toutes les robinetteries domestiques.

Au début de la décennie 1880, un canadien, Thomas Campbell invente le « mélangeur ». Cette invention venait compléter la précédente. Avec Cadet, on réglait le débit, mais il fallait un robinet pour l’eau froide et un autre pour l’eau chaude ; avec Campbell, on pouvait obtenir une eau plus ou moins tempérée en utilisant deux arrivées, mais un seul appareil.

Créations d’entreprises et invention du thermostat

Plus que jamais, l’industrie implique la maîtrise des flux. L’année 1882 voit les débuts de l’entreprise italienne Stella, spécialisée dans la robinetterie de haute qualité.

L’année suivante, l’ingénieur français A. Biné met au point un robinet « à repoussoir », destiné aux fontaines publiques, qui ne délivre de l’eau que lorsqu’on le maintient ouvert en exerçant une pression. Cette invention va ouvrir la voie au « robinet temporisé ».

En 1883, l’américain Warren S. Johnson dépose le brevet du « thermostat ». Une invention remarquée qui va être développée en 1886 par Albert Butz, ingénieur d’origine suisse établi aux Etats-Unis, qui va fabriquer des « thermostats d’air » afin de réguler la température des chaudières à charbon. Il crée son entreprise qui deviendra célèbre sous le nom d’Honeywell.

C’est à cette époque qu’apparaissent les premiers équipements spécifiques pour les douches, lesquelles sont quasiment réservées au domaine médical.

Autres naissances. En 1889 est fondée une entreprise française d’appareils sanitaires, Jacob, Delafon & Cie qui, cette même année, remportera une médaille d’or à l’Exposition Universelle. L’année suivante, en Allemagne, débute la production industrielle de robinets, chez Berkenhoff und Paschedag, entreprise qui va prendre une vaste ampleur sous le nom de Grohe.

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