Placée sous le signe de l’éphémère, notre époque manifeste une recherche avide de racines oubliées ou perdues. Il est donc rassurant de voir une entreprise fêter ses 275 ans en 2023, soit plus qu’un quart de millénaire, avec à sa tête des descendants des fondateurs, à la neuvième génération. Mais Villeroy & Boch, si l’on considère les origines de l’art de la céramique, demeure une jeune maison, pleine d’avenir.

La terre, le feu et l’industrie
Il faut prendre ici le terme « industrie » dans son sens premier : l’habileté à faire quelque chose. Presque un synonyme d’intelligence, mais d’intelligence créatrice. Chez Villeroy & Boch, l’industrie se consacre aux matériaux nés de la terre et du feu.
La première diversification commune sera la cristallerie de Wadgassen, sur la Sarre, en 1843. Comme la céramique, le cristal chasse l’étain, l’argent, le vermeil. En 1850, Villeroy & Boch offre aux puristes une porcelaine extra, le Bone China. Plus tard, la découverte d’une mosaïque romaine, sur les bords de la Moselle, et qu’il va falloir restaurer, donne à Eugen Boch l’idée de fabriquer des carreaux de sols dont l’esthétique et la durabilité seront comparables à celles des Romains.

Constance dans la diversification

Constance dans l’innovation
Les positions acquises par Villeroy & Boch dans ses différents métiers s’expliquent par son inventivité. Pour produire mieux et moins cher, François Boch avait innové avec un four de grande contenance économisant le bois. Nicolas Villeroy avait été, lui, le premier à remplacer le bois par la houille. Des 1809, les fours fonctionnaient uniquement au charbon. Jean-François Boch, élève des Arts et Métiers, inventa un système récupérant les gaz de combustion et permettant un contrôle extérieur de la température de chauffe. Cet outil allait procurer à la firme un avantage déterminant.
En 1846, l’adoption du pressage à sec autorisait la production en série de carreaux de grès multicolores. Les recherches sur les couleurs et leur résistance furent une préoccupation constante ; en 1829 était mise au point une faïence d’un blanc éclatant (la faïence tirait alors plutôt vers le gris) et suffisamment robuste pour concurrencer la porcelaine. En 1850, l’impression de décors polychromes sera réalisée.
L’utilisation de l’argile réfractaire et, plus tard, la mise au point d’un procédé de coulage de la barbotine allaient être déterminantes pour la production d’appareils sanitaires. En 1902, Villeroy & Boch est le premier à disposer d’un four tunnel au gaz. L’innovation, qui s’étendit de la technique au social, débuta dès 1812, sous l’impulsion de Pierre-Joseph Boch, avec la création de la Confrérie Saint-Antoine, une caisse sociale pour ouvriers qui servira, 70 ans après, de modèle au chancelier Bismarck pour la mise en place du système d’assurance sociale allemand, unique en Europe. Cette politique aura permis à Villeroy & Boch de surmonter les périodes sombres de son histoire.
Conjuguer l’art et l’industrie

Il était assez logique que la firme qui créa des articles pour l’esthète tourmenté que fut Louis II de Bavière fasse appel à des stylistes et designers de renom. Ainsi, pour la vaisselle et les carrelages, Maggy Champsaur, Paloma Picasso, Kenzo pour les arts de la table et le carrelage ; et pour le sanitaire Luigi Colani, Frogdesign, Matteo Thun, Patrick Frey et, plus récemment, Kai Steffan, Gesa Hansen…

Villeroy & Boch et le sanitaire

L’après-guerre et les années cinquante se caractérisent par l’abandon des baignoires en céramique et l’apparition de la couleur pour les autres appareils. Il faut attendre 1970 pour qu’une collection complète d’appareils soit conçue par un designer renommé : Luigi Colani (ci-dessus).
Aujourd’hui, l’entreprise dispose de huit usines dédiées à la salle de bains, dont une en France, à Valence d’Agen, qui fabrique des receveurs de douche, plans de toilette et éviers.
La maison pour futur
Acteur des arts de la table, ensemblier de la salle de bains, Villeroy & Boch est riche d’une culture d’entreprise intacte. Animé d’ambitions conformes à celles de ses fondateurs, le groupe bénéficie d’un courant contemporain, orienté vers la décoration et le confort de la maison. Fort de son passé, il en fait son futur.



