Diplômé de l’Université technique de Munich, Norbert Wangen est né à Prüm, en Allemagne, en 1962. Depuis 15 ans, cet architecte a intégré la « grande famille » de designers de la marque italienne Boffi. Ses concepts de cuisine et de salle de bains sont pensés pour « plaire encore dans 20 ans » et « prendre de la distance avec les clichés ».

Stylesdebain.fr – Vous collaborez de longue date avec la marque. Qu’est-ce qui distingue une salle de bains Boffi d’une autre salle de bains ?
Sur quoi repose cette intemporalité : l’agencement ou l’objet ?
Norbert Wangen – La notion d’espace est très importante. Il ne faut pas se focuser sur l’objet et imaginer la salle de bains autour de seulement deux lavabos. C’est un ensemble, agencé presque comme un living. Chaque pièce de la maison où tu te tiens est une place à vivre. Se sentir quelque part, y être et non l’acheter, c’est replacer l’humain au centre de l’aménagement et pas seulement s’en remettre à des produits qui vont séduire une image que tu as dans la tête. Comme un cartoon, un comics, la salle de bains est une projection mentale et il faut prendre de la distance avec les clichés. Ça me plaît de les provoquer pour m’en détacher.

Norbert Wangen – Mon idée, c’était d’atteindre le Vanishing point du philosophe Jean Baudrillard dont je suis fan (du moins des débuts). On a recherché ce fameux point de fuite qui tente de disparaître, à la limite de l’impossibilité, le mythe de l’objet qui va disparaître. Quand on a fait le premier prototype, un peu inquiet, Roberto Gavazzi, CEO de Boffi m’a dit : c’est techniquement fragile, ça pourrait vite se casser… Moi, la réussite de ce challenge m’excitait. Lorsque j’étais étudiant, j’avais gardé le souvenir d’une église 
A propos de choses nouvelles, qu’avez-vous repéré récemment dans la salle de bains qui la remette en question ?
Norbert Wangen – J’aime le minimalisme, l’idée de ne pas voir, ni avoir presque, de salle de bains même si ce n’est pas possible d’un point de vue fonctionnel. Mais des hôtels vont par exemple mettre la douche à part. Il faut toujours faire attention à ce que cela ne devienne pas trop pathétique, trop démonstratif, mais plutôt intime, tranquille et discret. Penchons-nous sur l’historique. Il y a un siècle, voyons ce qu’était cette salle de bains, ce qu’on fait aujourd’hui, et faisons attention à ne pas exagérer ça. Je prendrais l’exemple d’une baignoire îlot qui reste simple et fonctionne très bien. Mais par son côté sculptural, l’objet peut paraître un peu impressionnant parfois. Je pense aux Mythologies de Roland Barthes qui parlait de la DS de Citroën comme d’une déesse, si belle, et regrettant que le « petit bourgeois » puisse s’émouvoir avec ça. L’objet doit être adapté à la vraie vie et le designer faire son autocritique pour réaliser des choses très belles sans qu’à la fin cela soit trop une sculpture. Un peu, c’est bien. Ma cuisine préférée, c’est la K2, avec son plan de travail qui coulisse…
Pourrait-on justement imaginer ce dispositif dans la salle de bains pour faire apparaître et disparaître ce côté « show off » ?
Norbert Wangen – Vous avez mis le doigt sur… Disons que je ne peux pas vous répondre… (Rires) On peut parler d’autre chose ?
Faisons alors un bond dans le temps : et si vous deviez imaginer la salle de bains de demain, ou d’après demain ? Qu’est-ce que ça pourrait être, ou ne pas être d’ailleurs ?
Norbert Wangen – Le « problème », c’est que je suis déjà assez content avec ce que nous avons-là (Rires).
Mais c’est une excellence réponse !



