Emblématique du style Art déco, la salle de bains imaginée dans les années 1920 par le décorateur Armand Albert Rateau pour la couturière Jeanne Lanvin est revisitée par la maison de robinetterie Volevatch, qui lui rend hommage au travers de sa collection Oiseaux de Paradis.
Fondatrice en 1889 de la maison de haute couture éponyme, la plus ancienne encore en activité en France, Jeanne Lanvin (1867-1946) débute dans les années 1920 une collaboration inédite avec Armand Albert Rateau, talentueux décorateur formé à l’école Boulle.[1]

Un amalgame unique de styles décoratifs

Nourri de voyages, l’imaginaire de Jeanne Lanvin croise volontiers les références culturelles, de l’art gréco-romain aux vitraux gothiques en passant les fastes du Second Empire, l’orientalisme, l’égyptologie, la peinture Nabi ou le symbolisme d’Odilon Redon… « Je pense, dit Louise de Vilmorin, qu’elle avait contracté dans son enfance humble cette nostalgie des mille et une nuits qui apparaît si clairement dans le type de femme qu’elle avait inventé : Isolde de harem, Mélisande un peu odalisque. » [3] Un goût en phase avec celui d’Armand Albert Rateau « pour l’Antiquité qui lui donne l’idée d’utiliser le métal pour certains sièges à pieds en X, et l’Orient le porte à faire un grand usage des laques, laque d’or ou d’argent, laque jaune ou brun. » [4]
La salle de bains de Jeanne Lanvin, sauvée de la destruction
Achevés en 1925, l’ameublement et la décoration des appartements privés de Jeanne Lanvin au 16 rue Barbet-de-Jouy (Paris, 7e arr.) sont emblématiques d’un style, à nul autre pareil. Si cet hôtel particulier [5] fut détruit en 1965, « le prince Louis de Polignac, en souvenir de la comtesse Jean de Polignac, fille de Jeanne Lanvin, proposa au Musée des Arts Décoratifs l’installation complète, avec l’ameublement, des appartements privés, qui comprenaient une chambre à coucher, un boudoir et une salle de bains. » [6]
Au cœur de cet ensemble très personnel, la salle de bains, qui se visite au MAD ou virtuellement, fait la part belle à trois matériaux nobles et des motifs animaliers, évoquant, entre autres, le bestiaire de l’art Perse.
Un bain antique sous influence orientale

Lavabo sur colonne, cuvette WC, bidet et baignoire évoquent les bains antiques ainsi que l’atmosphère des hammams d’Orient. Monolithique, la vasque s’évase en corolle, à la manière d’une fontaine, faisant de la salle de bains un jardin enchanteur. Sculpturale, la baignoire îlot est ovale, ses rebords rebondis animés de pleins et de creux qui font ressortir ses volumes généreux. Dans la cuve, deux porte-savons sont creusés, en forme de marguerite. Motif de prédilection, cette fleur rend hommage à la fille de Jeanne Lanvin qui porte ce prénom et dont la créatrice a fait sa muse, développant une ligne de couture en taille enfant, idée novatrice en son temps. [7]
Ode à la nature

Bien qu’aucun autre « tableau » figuratif ne décore les murs de la salle de bains de Jeanne Lanvin, elle constitue une merveilleuse ode à la nature, au travers de ses pièces en bronze. D’une patine vert antique, miroirs, appliques, lampadaires, accessoires, interrupteurs… sont peuplés de faisans déployant leur ailes au milieu des marguerites et des pommes de pin stylisés. Parmi ces objets aussi esthétiques que fonctionnels, la robinetterie s’illustre particulièrement.
La collection Oiseaux de Paradis de Volevatch


[1] Assurant, à seulement vingt-quatre ans, la direction artistique de Lucien Alavoine & Cie, l’une des plus prestigieuses entreprises de décoration et d’ameublement de l’époque, Rateau a alors déjà signé des aménagements d’exception : à New-York pour l’hôtel particulier de Florence et George Blumenthal, célèbre couple de mécènes et collectionneurs américains, ou encore à Madrid, au Palais Liria, dans les appartements de l’aristocrate la plus titrée au monde, la fantasque duchesse d’Albe.
[2] Histoire de la Maison Lanvin.
[3] Notice biographique de l’Encyclopédie Universalis consacrée à Jeanne Lanvin.
[4] Notice biographique de l’Encyclopédie Universalis consacrée à Armand Albert Rateau.
[5] Acquis par la couturière à la marquise Arconati-Visconti, philanthrope qui y tenait un salon littéraire et progressiste fréquenté par Léon Blum, Jean Jaurès, Georges Clemenceau…
[6] La salle de bains de Jeanne Lanvin au Musée des Arts Décoratifs.
[7] Cette relation fusionnelle est incarnée par le logo historique de la maison Lanvin. Signé Paul Iribe, celui-ci représente deux personnages féminins en miroir, une mère s’inclinant vers son enfant, la silhouette de l’une étant la réplique miniature de l’autre. Symbolisant leur indéfectible lien, ce dessin stylisé en or sur fond de verre noir est au placé au centre du mythique flacon-boule du parfum Arpège dessiné par Rateau en 1927.
A lire : Jeanne Lanvin, l’artiste couturière, article d’Aurore Barreau et Coralie Philibert sur le Blog de Gallica.
A voir : L’émission Visites privées de France 2, consacrée à Jeanne Lanvin – Le luxe à la française.




