Le perirrhanterion et le louterion grecs, ancêtres du lavabo sur colonne

Utilisés durant l’Antiquité lors des rituels de purification ou pour se rafraîchir, le perirrhanterion et le louterion sont des vasques en marbre ou en poterie dont la forme préfigure celle du lavabo sur colonne en céramique qui fera son entrée, des siècles plus tard, dans nos salles de bains.

Vase à figures rouges, en céramique, vers 320-310 avant J.-C, musée archéologique de Milan (Italie) et perirrhanterion (vasque sur colonne) en argile, vers 630 avant J.-C., musée archéologique national de Metaponto (Italie).

A l’origine, le perirrhanterion servait aux ablutions dans les sanctuaires, ce que confirme l’étymologie de ce terme du grec ancien, combinant le verbe « asperger » à la notion de « autour ». De fait, ce bassin de faible profondeur, sur pied, est toujours circulaire. Photos ci-dessus : vase à figures rouges, en céramique, groupe de Tarrytown (peintre), vers 320-310 avant J.-C, musée archéologique de Milan (Italie) – perirrhanterion en argile, Incoronata di Pisticci, vers 630 avant J.-C., musée archéologique national de Metaponto (Italie).

Lié au culte des divinités de l’Antiquité gréco-romaine, le perirrhanterion, placé à l’entrée des temples, était destiné à débarrasser des souillures physiques et morales les fidèles qui allaient se connecter aux entités vénérées. A noter : par extension, il arrive que les archéologues appellent aussi perirrhanterion la construction qui, tel un kiosque ouvert de tout côtés, accueillait ce bassin d’eau purificatrice. C’est le cas par exemple de l’édicule circulaire aujourd’hui disparu qui marquait à Rome l’emplacement d’une source sacrée face au temple d’Apollon, protecteur des épidémies [1].

Vase à figures rouges, en céramique, représentant de jeunes hommes à la toilette, vers 420-400 avant J.-C. Ashmolean Museum, Oxford (Angleterre) et pied de perirhanterion en marbre, en forme de fut de colonne, site de Kastro, musée archéologique de Sifnos (Grèce).Le perirrhanterion est apparenté au louterion, vasque destinée à contenir de l’eau (et non des offrandes aux dieux), à pied évasé, souvent large et remontant vers le haut (tel un parapluie renversé), qui, associée à un nécessaire de toilette, servaient aux ablutions dans les thermes et palestres. De fait, Perirrhanterion et louterion désignent des objets aux lignes et aux fonctions très proches – au point d’être possiblement confondus – dont seule la destination originelle diffère, cultuelle pour le premier, profane pour le second. Ci-dessus : vase à figures rouges, en céramique, représentant de jeunes hommes à la toilette, peintre d’Amykos, vers 420-400 avant J.-C., Ashmolean Museum, Oxford (Angleterre) – pied de perirhanterion en marbre, en forme de fut de colonne, site de Kastro, musée archéologique de Sifnos (Grèce).

Des vasques en marbre ou en terre cuite, peintes ou sculptées

Vase en céramique représentant trois femmes se lavant au perirrhanterion, vers 440 avant J.C., découvert dans la cité étrusque de Vulci (Italie), Collections d'Antiquités de l'État bavarois, Munich (Allemagne).Parmi ces éléments de mobilier aussi volumineux que fragiles, ceux en pierre, et notamment en marbre, ont bien évidemment eu moins de mal à traverser le temps que ceux en terre cuite. Mais ce sont bien les vases – vaisselle courante de l’époque – qui constituent la plus vaste source de documentation, dont celle, par exemple, du lavage rituel qui est évoqué par Homère et Hésiode dans leurs écrits. Identifié comme un perirrhanterion ou (plus rarement) un louterion, l’objet est même un motif récurrent de nombreux décors peints. Il n’est pas seulement intégré à des scènes mythologiques (Apollon, Eros, Aphrodite, les Naïades…), il est aussi un élément clé de thèmes majeurs de l’iconographie antique comme l’amour, la beauté, la jeunesse, l’athlétisme… Des œuvres sculptées associant une créature liée à l’eau (nymphe aquatique) à une vasque sur pied sont également conservées dans les musées. Ci-dessus : vase en céramique représentant trois femmes se lavant au perirrhanterion, groupe de Polygnotos (peintre), vers 440 avant J.C., H 42 cm, découvert dans la cité étrusque de Vulci (Italie), Collections d’Antiquités de l’État bavarois, Munich (Allemagne).

Perirrhanterion en marbre, site archéologique d'Isthmia, ancien sanctuaire de Poséidon, période archaïque, Ø 1,24 m, musée archéologique d’Isthmia (Grèce).Sur le pied des plus anciens exemplaires de perirrhanterion connus, dont la fabrication remonte au VIIe siècle avant J.-C., les décors se déroulent en frises, en léger relief. Remplaçant la colonne, l’on peut également trouver des cariatides, qui se déploient en volume depuis le socle (et dont s’inspirent les fontaines Wallace à Paris). Souvent organisées en triade, ces figures féminines soutiennent la vasque sur leurs épaules ou leur tête. Les vasques sur colonne issues des ateliers de potiers peuvent aussi présenter des peintures de sphinx, de sirènes, des courses de chars… Ci-dessus : perirrhanterion en marbre, site archéologique d’Isthmia, ancien sanctuaire de Poséidon, période archaïque, Ø 1,24 m, musée archéologique d’Isthmia (Grèce).

Statue en marbre du Nymphaeum de Gortys. Période romaine, fin du 1er siècle après J.-C., musée archéologique d’Heraklion (Grèce).Cette débauche de luxe et d’effets semble s’amoindrir à mesure que l’usage de l’objet devient courant : à compter du IVe siècle avant notre ère, l’esthétique se simplifie et les décors tendent vers davantage d’épure, jusqu’à disparaître. Pour preuve, des fouilles ont permis de mettre au jour des perirrhanteria au sein d’habitations… Ainsi, un bassin et sa colonne en marbre ont été découverts dans une demeure privée (Ambracie, Grèce). Selon les historiens chargés d’étudier ces vestiges, dépassant le cadre des ablutions pratiquées lors des rites domestiques, il était voué aussi bien au lavage du linge qu’à la toilette du corps…, comme n’importe quel lavabo du monde moderne. Ci-contre : statue en marbre du Nymphaeum de Gortys. Période romaine, fin du 1er siècle après J.-C., musée archéologique d’Heraklion (Grèce).

[1] Il en subsiste des fragments, conservés aux musées du Capitole Centrale Montemartini, qui propose une reconstitution de ce monument disparu.

Photos : WikimediaCommons.

Claudine Penou, journaliste professionnelle, travaille depuis plus de 20 ans en presse écrite (professionnelle et grand public), développant en parallèle des activités dans l’édition et la communication. Depuis 10 ans, elle se consacre au secteur de la salle de bains, et plus spécifiquement au décryptage des tendances (fond et forme). Contact

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